Twin+

Chirurgie orthopédique en réalité augmentée à Nice

Publié le 10 mars 2023 par Valérie Handweiler

Chirurgie orthopédique en réalité augmentée à Nice

Lunettes, hologrammes et robot d’assistance, la chirurgie s’inspire grandement des applications des jeux vidéo. Dans son bloc à Nice, Marc-Olivier Gauci a sous les yeux la surface anatomique du patient, sur laquelle il peut caler ses hologrammes d’articulation réparée, tout en consultant l’imagerie de la lésion. Ce type d’intervention assistée a été préparé en amont. À partir des images de scanner du patient, un jumeau numérique de l’articulation à réparer est créé. Le chirurgien peut alors travailler sur ce modèle pour simuler son geste chirurgical. Ses objectifs seront traduits en axes et plans de coupe. Un logiciel génèrera alors la forme idéale du « guide » : une pièce physique en 3D qui sera imprimée pour le jour de l’intervention et contribuera dans la vie réelle au geste parfait. « Depuis deux ans, nous utilisons en routine des lunettes de réalité virtuelle mixte (Microsoft HoloLens 2) dans lesquelles se superposent la réalité du champ opératoire et des hologrammes modifiables. Nous sommes six ou sept chirurgiens en France à pratiquer comme cela », explique ce chirurgien orthopédiste de l’Institut Universitaire locomoteur et du Sport du CHU de Nice. Marc-Olivier Gauci est aussi président de CAOS-France, société savante française pour le développement de la chirurgie assistée par ordinateur en orthopédie. Il est ainsi très impliqué dans le développement de ces technologies d’avenir.

Intervention sur une prothèse d'épaule par l'équipe du Docteur Marc-Olivier Gauci , chirurgien orthopédiste à l'Institut Universitaire Locomoteur et du Sport du CHU de Nice - © MO Gauci

Une plate-forme Web intègre toutes les applications

« Toutes les séquences opératoires ont été digitalisées afin d’aider le chirurgien à préparer en amont son intervention », confirme Arnaud Destinville, co-fondateur d’Abys-medical. Cette start-up basée à La Rochelle a développé Surgiverse, une suite d’outils logiciels en ligne d’aide à la décision chirurgicale. Cette plate-forme Web permet une reconstitution complète d’un jumeau numérique à partir de données numériques d’imagerie du patient. Pour une articulation fracturée ou abimée, l’algorithme pourra (en fonction du terrain, de l’âge, de l’image) modéliser et simuler sa reconstruction, proposer une position des broches ; ou un plan de coupe s’il s’agit d’installer une prothèse. « Il existe plusieurs logiciels de ce type, plus ou moins validés, plus ou moins anciens, avec plus ou moins de possibilités applicatives », précise Marc Olivier Gauci. Ces systèmes permettent de simuler la pose des prothèses en fonction de l’orientation diagnostique. Ensuite, grâce au logiciel, on peut planifier l’intervention et le positionnement de l’implant en 3D. Si le flux entre les applications n’est pas linéaire, de la donnée se perd à basculer des bouts de solution d’un système à l’autre, d’ou l’intérêt d’un ensemble intégré. « Le travail sur ces dispositifs nous a permis de mettre sur le papier de façon claire tous les objectifs de pause », reconnaît-il.

Outil d’aide à la formation des chirurgiens

Pour l’instant, l’implant (la prothèse) n’est pas « patient spécifique ». « Nous n’en sommes pas encore à l’impression 3D de titane ou d’Inox ». C’est pourquoi la manière de le positionner doit l’être d’autant plus. Les implants sont tout à fait au point depuis les années 2010. La technicité et l’expertise du processus implantatoire sont maintenant les enjeux du succès de la pause. « Des méthodes qui s’acquièrent par le geste et l’expérience. Il existe un vrai souci de transmission, reconnaît le chirurgien. On ne peut pas arriver d’emblée avec 100 heures de vol... »
Entre les chirurgies rares, les jeunes chirurgiens et ceux qui pratiquent peu dans des cliniques ou hôpitaux reculés, l’assistance 3D apporte une plus-value certaine. « Ces systèmes d’assistance 3D permettront de proposer de la téléassistance pour les juniors en apprentissage comme pour les chirurgiens isolés et de manière générale de réduire la courbe d’apprentissage des chirurgiens en formation. Le développement tend vers la création d’un métavers comme lieu de formation initiale et continue. À terme, des experts pourront se connecter à distance avec des non-experts pour simuler une chirurgie en amont ou la réaliser en direct. C’est tout l’enjeu de la 5G », explique le praticien.

© MO Gauci

« Le jumeau numérique doit pouvoir aussi être utilisé en chirurgie traumatique »

Pour le chirurgien, il n’est cependant « pas question que les jumeaux numériques, et tout ce qu’ils peuvent apporter aux interventions chirurgicales sur les articulations, soient seulement réservés aux poses de prothèses planifiées de nos riches pays occidentaux. Ces technologies doivent servir à tous et également en chirurgie traumatique, pour nos accidentés du sport ou de la route, mais aussi toutes les autres interventions, dans le sud de la France ou sur des terrains de guerre. » Aujourd’hui, l’intervention au bloc est assistée par un guide 3D en polymère obtenu en impression 3D à partir de scanners du patient. Il faut 3 à 5 semaines pour ce dispositif. « En traumatologie, il faut intervenir entre 48h et 5 jours plus tard. Il faut lever le verrou de la vitesse. »

« Le vrai enjeu de la traumatologie est de passer de l’atèle de bois à l’intervention assistée », insiste ce passionné. Une ambition qui devrait avancer dans le cadre de la FHU (Fédération hospitalo-universitaire) Plan&Go tout juste obtenu en janvier 2023 : un consortium de laboratoires de recherche qui associe l’Inria.

+d'infos :

En vidéo : intervention du Dr Marc-Olivier Gauci à l’Académie Nationale de Chirurgie sur le thème : « Métavers pour les jumeaux numériques des patients. Les possibilités offertes en chirurgie par la puissance de la 3D en temps réel » - 23 mars 2022 : Cas concrets actuels et perspectives dans la pratique et l'enseignement de la chirurgie de l'épaule

Déjà membre Twin+ ?

Connectez vous pour accéder aux contenus.

Derniers articles

Découvrez les derniers articles