Éolien flottant : un jumeau numérique pour bien s’ancrer dans le paysage énergétique
Éolien flottant : un jumeau numérique pour bien s’ancrer dans le paysage énergétique
À la croisée entre l’éolien posé et les structures offshore, l’éolien flottant est encore peu documenté. L’enjeu est donc d’anticiper de manière numérique l’industrialisation d’une technologie à fort potentiel.
Le développement de l’éolien en mer fait partie d’une priorité pour de nombreux États en quête d’une source énergétique, à la fois décarbonée, renouvelable et importante. « Il faut imaginer qu’à l’échelle de la France, il est prévu d’avoir d’ici 2050 des capacités de production en mer de 40 GigaWatts, soit l’équivalent de 40 réacteurs nucléaires », affirme Clément Mochet, Directeur France de BlueFloat Energy. Fondée par des professionnels des énergies renouvelables (547 Energy et Quantum Energy Partners), cette société développe des projets éoliens en mer en France et dans différentes régions du globe. Son portefeuille de projets est actuellement d’environ 24 GW dans huit pays dans le Monde. Par exemple, au sein du consortium Eolymar monté avec le groupe japonais Sumitomo Corporation et le français Akuo, BlueFloat Energy candidate à deux projets chacun d’une capacité de 0,5GW dans le cadre de l’appel d’offres éolien flottant n°6 au large de la Méditerranée. « Pour mener à bien ces projets, nous recourons largement au numérique, poursuit Clément Mochel. Nous multiplions les études permettant d’identifier des zones potentielles d’implantation, de réaliser les études notamment environnementales et toutes les différentes phases de construction. Cela jusqu’à la déconstruction d’un parc, après environ 35 ans d’exploitation ».
Si l’éolien semble déjà bien maitrisé en terre comme en mer, ce n’est pas encore le cas de l’éolien flottant encore très peu connu. Pour résumer le concept, c’est un flotteur surmonté d’une grande éolienne avec un câble d’export dynamique de l’énergie produite et un solide système d’ancrage. Cette technologie est relativement jeune, à la croisée de l’éolien posé (les fondations reposent sur les fonds marins : une technologie déjà bien développée maitrisée et documentée, avec de nombreux parcs plus près des côtes), et le flottant de type offshore, connu par exemple à travers les plates-formes exploitant un gisement de pétrole ou de gaz. L’éolien flottant a également cette particularité d’être mis en œuvre loin des côtes, là où le facteur de charge (production effective) est le plus important : il est de 50% en haute mer, contre 30% près des rivages. Par ailleurs, c’est une structure autonome non habitée, donc sans personnel pour contrôler à bord des instruments de mesure ou en assurer la maintenance.
L’enjeu : la maintenance prédictive des structures immergées
« Au final, la partie immergée est celle qui pose le plus de questions et le système d’ancrage est un enjeu fort. C’est sur ce point en particulier que nous allons utiliser un jumeau numérique, affirme Clément Mochet. L’environnement est complexe, difficile et contraignant. Il est particulièrement hostile pour l’homme et tout instrument de mesure et les conséquences d’une maintenance lourde sont majeures, car le risque serait d’avoir à ramener les machines à terre. L’enjeu de notre industrie naissante est de basculer dès maintenant d’une maintenance préventive à une maintenance prédictive, pour anticiper tout ce qu’il va se passer et corriger en amont ce qu’il peut se passer »...
L’équipe de BlueFloat Energy travaille donc sur l’instrumentation des lignes d’ancrage en prévoyant par exemple l’installation d’anglomètres ou de systèmes de contrôle de tension des câbles. Elle va aussi caractériser le milieu dans lequel les machines vont travailler, à travers des campagnes de mesures avec des bouées équipées de LiDAR, d’études des courants, des vagues, etc. Surtout, elle s’intéresse à la fatigue des câbles et des points d’ancrage. « Ce qui émerge de nos réflexions pour demain, c’est un triptyque. D’abord la mise en place d’un monitoring à travers de la mesure directe, puis la détection et la mesure des cycles de fatigue. Ensuite l’inspection directe, par exemple avec un robot toutes les x années. Le troisième point sera la mise en œuvre de plan d’action dédié à anticiper ces actions ».
Pour l’instant, BlueFloat Energy n’est encore qu’à la phase de développement ; le premier champ d’éolienne ne débutant sa mise à l’eau qu’en 2025. Pour développer son jumeau numérique, elle travaille étroitement avec deux sociétés : le groupe américain Clarius qui développe des capteurs notamment ultrason et Morphosens. Cette société française, spin-off du CEA installée à Grenoble, développe la solution de monitoring continu et temps réel NEURON, basée sur un réseau de capteurs MEMS de très haute performance et un jumeau numérique couplé à de l’IA pour estimer en temps réel et continu la fatigue, l’endommagement et la durée de vie résiduelle des structures instrumentées. BlueFloat Energy suit également le programme JIP Wind Avatar lancé par l’IFP Énergies Nouvelles.
« Les appels d’offres, n°5 en Bretagne et n°6 en Méditerranée, vont se développer entre 2027 et 2030. L’enjeu est de préparer notre industrialisation en amont et de développer un modèle physique et représentatif sans avoir le moindre équipement à l’eau, confie Clément Mochet. Si nous avons la chance d’avoir des prototypes à l’eau, en France ou ailleurs dans le Monde, nous allons pouvoir les doter d’une double instrumentation, classique et digital twin. Ensuite, les autres machines vont pouvoir fonctionner en se basant sur le travail capitalisé en amont ». Sachant que bien évidemment les modèles vont apprendre et s’enrichir. Mais surtout pas au gré du vent.